Le numérique, souvent porté comme un accélérateur d’innovation, de performance et un levier pour la transition écologique, n’est pas dénué d’impact environnemental. En 2019, l’étude “Empreinte environnementale du numérique mondial” du GreenIT révélait qu’il représentait près de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (plus que l’aviation civile !). Notre domaine d’activité est un gros consommateur de ressources (métaux, énergie, eaux…) et génère de multiples pollutions de l’air, de l’eau et des sols.
À l’heure où la digitalisation s’accélère dans tous les domaines, le numérique est un secteur dont l’intensité énergétique est en pleine expansion (cf The Shift Project). Il est nécessaire de revoir notre façon de concevoir, de produire et d’utiliser le numérique afin qu’il ne déplace pas plus les problèmes qu’il ne les résolve.
Qu’est-ce que l’éco-conception numérique ?
Selon ce même rapport du GreenIT, nous apprenons que plus des ¾ des impacts environnementaux du numérique se concentrent sur la phase de fabrication des équipements utilisateurs (ordinateurs, smartphones, écrans, objets connectés…). Or ces équipements sont majoritairement remplacés pour cause d’obsolescence psychologique (nouveaux modèles, meilleures performances, nouvelle mode…) et d’obsolescence technique ou logicielle. Plus un logiciel est lourd, plus il a besoin d’un équipement performant. Plus un logiciel s’appuiera sur les dernières innovations système, plus il sera nécessaire de mettre à jour l’équipement voire de le renouveler.
Selon la norme ISO 14006:2020, l’éco-conception est définie comme telle comme “une approche méthodique, qui prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit”.
La DINUM (Direction interministérielle du Numérique) souligne que l’éco-conception numérique n’est pas uniquement une recherche d’optimisation, d’efficience ou de performance mais une réflexion plus globale sur l’usage des technologies. Elle vise à :
- allonger la durée de vies des équipements numériques
- à réduire la consommation de ressources informatiques et énergétiques des terminaux, des réseaux et des centres de données
Plus largement, la démarche d’éco-conception s’oriente aujourd’hui majoritairement vers :
- la réduction de la dette technique et de l’obésité logicielle (usage de la bande passante, nombre de requêtes, complexité de la page…)
- la capacité à maintenir le code le plus longtemps possible grâce à des bons choix techniques comme le choix des librairies par exemple
- la création d’une expérience utilisateur la plus efficace et rapide possible
Comment démarrer une démarche d’éco-conception ?
La démarche d’éco-conception s’applique à toutes les phases projet, de la réflexion stratégique au choix de l’hébergeur et implique l’ensemble des acteurs projet qui doivent comprendre ce qu’est l’éco-conception et ce que cela apporte :
- réduction de l’empreinte environnementale et des coûts de fonctionnement
- amélioration de l’expérience utilisateur
- amélioration de la performance du service numérique
- gain en robustesse, stabilité technique et durabilité
- anticipation de la législation*
*La loi REEN de 2021 tend à renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle et fixe des critères de conception responsable pour les sites web dès 2024
Le plus important et impactant des principes est de s’interroger sur le besoin et questionner le pourquoi. Cela se rapporte au concept du Golden Circles de Simon Sinek (Why, How, What). Quelle est la raison d’être du service numérique envisagé et est-il pertinent pour répondre au besoin identifié ?
Pour initier cette démarche d’introspection, il est possible de s’inspirer du Guide de questionnement pour le développement de services numériques conçu par OuiShare, en partenariat avec l’ADEME.
On peut également s’appuyer sur la théorie du Donut de Kate Raworth pour évaluer l’utilité du projet et son empreinte. S’inscrit-il dans les limites planétaires et dans le respect du plancher social ? Contribue-t-il à au moins 1 des 17 Objectifs du Développement Durable de l’ONU ? Enfin, on peut challenger ce qui existe déjà et s’interroger sur le bien-fondé de notre innovation.
Les 5 fondamentaux d’un projet mobile éco-conçu
1. La stratégie et conception
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- Pensez “utile, utilisé, utilisable”, avec la règle des 3U, en s’assurant que le produit apporte vraiment de la valeur et qu’il répond à un besoin réel. Quand on sait qu’environ 45% des fonctionnalités demandées ne sont jamais utilisées, et 70% ne sont pas essentielles (cf Ecoconception / Les 115 bonnes pratiques), on comprend que se poser les bonnes questions en amont peut faire économiser beaucoup d’énergie et d’argent. Enfin, intégrer la démarche d’accessibilité (lien article accessibilité) pour s’assurer que le produit est utilisable par tous.
- Pensez expérience utilisateur en simplifiant et fluidifiant le parcours. Moins un utilisateur passe du temps sur un site ou une application, moins il utilise d’énergie. Cela va certes à l’encontre des modèles de captation de l’attention mais est réellement “more user centric” en se concentrant sur l’essentiel.
- Pensez “durable” en favorisant l’utilisation de composants standards, en ne contraignant pas au renouvellement des équipements et en mesurant régulièrement l’impact de son projet et en s’inscrivant dans une démarche d’amélioration continue
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2. Le Design et le contenu
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- Pensez minimalisme en privilégiant les interactions simples, en limitant les animations, carrousels, gifs… en compressant de façon optimale les différents médias
- Limitez l’usage de la vidéo en la privilégiant lorsqu’elle apporte une réelle valeur ajoutée sinon préférez d’autres médias comme le podcast par exemple
- Redonnez le pouvoir à l’utilisateur en évitant d’avoir recours aux fonds vidéos et à la lecture automatique des médias (également critère d’accessibilité) et à toute technique de captation d’attention
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3. La technique
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- Allégez la technique et évitez le “gras” numérique en privilégiant du code optimisé avec le moins de traitement possible (données, appels réseaux…)
- Evitez l’usage de services tiers qui pourraient forcer des requêtes et l’envoi de données
- Différez certaines tâches pendant le chargement de la batterie ou lorsque l’équipement est connecté en Wi-Fi pour les mobiles
- Allégez la technique et évitez le “gras” numérique en privilégiant du code optimisé avec le moins de traitement possible (données, appels réseaux…)
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Dessin de @bruised_blood et @iamdevloper
4. L’hébergement
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- Choisissez un partenaire avec une démarche éco-responsable associée à des engagements de performance environnementale, validés ou non par une certification ISO 50001 (performance énergétique) et/ou ISO 14001 (système de management environnemental) ou adhérant au Code de Conduite européen des centres de données. Points de vigilance : suivi et réduction de la consommation des ressources, réutilisation de la chaleur fatale, politique d’Achats Responsables…
- De l’importance de l’emplacement du datacenter : Privilégiez les hébergements géographiquement proches de son audience tout en tenant compte du mix électrique du pays. Un datacenter situé en France (électricité majoritairement d’origine nucléaire) aura un impact carbone moins important qu’un datacenter en Allemagne (électricité majoritairement d’origine fossile)
Hébergeur responsable : lieu, PUE / WUE, achats, code de conduite EU…
5. La fin de vie
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- Auditez et surveillez l’utilisation des fonctionnalités en vue d’améliorer voire supprimer celles qui sont peu utilisées
- Anticipez l’archivage et/ou la suppression des données. A l’instar des données personnelles, déterminez des délais de conservation des contenus et/ ou des critères d’obsolescence et mettre en place une périodicité pour la revue des contenus.
- Anticiper la fin de vie du service et la suppression de votre produit digital et de ses ressources associées
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Se lancer dans un projet mobile éco-conçu nécessite une vraie stratégie tant fonctionnelle que technique. De nombreux pré-requis doivent être pris en compte afin de pouvoir développer un produit digital réellement efficient. Chez Beapp, nos équipes métier Beapp vous accompagnent tout au long du projet dans la définition des bonnes pratiques associées à l’éco-conception mobile.
Découvrez quelques sources utiles pour approfondir ce sujet.
- Étude « Empreinte environnementale du numérique mondial », GreenIT septembre 2019
- Rapport « Pour une sobriété numérique », The Shift Project 2018
- Référentiel général d’écoconception de services numériques, MiNum Eco, dernière mise à jour 2022
- Guide d’éco-conception de services numériques, Designers Éthiques 2022
- La théorie du Donut : une nouvelle économie est possible, Oxfam 2020
- Les 17 Objectifs du Développement Durable, ONU
- Situer le numérique, Gauthier Roussilhe